En ces temps où chacun est encore, autant que possible, invité à rester en télé-travail et à limiter ses déplacements et rencontres, les distances semblent infranchissables. Parce que demain s’invente aujourd’hui : artistes et architectes imaginent, célèbrent et bâtissent le patrimoine du futur.
La Société du Grand Paris invite au voyage – avec Alexia Fabre, commissaire invitée par José-Manuel Gonçalvès, et par ailleurs conservatrice en chef du MAC VAL à Vitry-sur-Seine – en explorant un des deux Tandems qu’elle a formé : la future gare Bry-Villiers-Champigny, avec l’architecte Thomas Richez & Ange Leccia.
« Le Grand Paris Express va aussi créer ce territoire du Grand Paris de la culture »
Conservatrice en chef du premier musée d’art contemporain situé en banlieue parisienne, Alexia Fabre a, dès le début du projet du Grand Paris Express, vu l’opportunité de donner corps à un nouveau territoire qui rebattrait les cartes entre un centre parisien et sa périphérie. En 2013, alors qu’une nouvelle gare était annoncée à l’abord du MAC VAL, elle y voyait la possibilité de générer de nouvelles dynamiques et de bousculer la vision de la banlieue, notamment du point de vue culturel en révélant l’activité des centres d’arts, galeries et théâtres qui s’y trouvent.
Cette nouvelle urbanité qui va apparaître doit, me semble-t-il, aussi intégrer la question artistique et la question culturelle pour toujours, comme ce que nous tentons de faire au musée, rapprocher l’art de la ville.
Alexia Fabre – commissaire invitée, 2013
Alexia Fabre accueillait, en 2015, au MAC VAL : Les passagers du Grand Paris Express où les maquettes des futures gares étaient pour la première fois montrées au public. Avec beaucoup de pédagogie, cette exposition dévoilait les tracés des nouvelles lignes et les nouvelles mobilités rendues possibles de ville à ville. Investie dans la médiation de l’art contemporain, les équipes du musée imaginaient d’autres manières de communiquer avec le territoire. Le commissariat d’exposition tient de la mise en récit. Comment faire se rencontrer les artistes et le public ? Intermédiaire utile dans la mise en place d’un dialogue entre l’art et la vie, l’art et la ville, la figure du commissaire tient aussi du conseil pour de multiples projets de 1% culturel. Après être intervenu auprès de nombreux établissement publics dans le département du Val de Marne, Alexia Fabre assistée de Frank Lamy- chargé des expositions temporaires – ont ainsi été invités comme des partenaires de longue date par José-Manuel Gonçalvès pour participer à la formation de Tandems artistes & architectes.
Ma place dans les Tandems est celle d’une interlocutrice. Je trouve les moyens d’un dialogue avec les artistes et les architectes, j’organise la rencontre avec en vue un contexte général. Avec les équipes de Thomas Richez, j’ai eu la chance de trouver des complices nécessaires et des architectes curieux et capables d’une vrai compréhension des projets artistiques.
Alexia Fabre – commissaire invitée, 2020
Arrêt Bry-Villiers-Champigny
Un soleil sans coucher
À l’intersection de trois villes, la gare de Bry-Villiers-Champigny a quelque chose d’éminemment symbolique puisqu’elle mène à la ville de Louis Daguerre, pionnier de la photographie. Bry-sur-Marne accueille aujourd’hui les archives de l’INA – Institut National de l’Audiovisuel. Consciente de ce patrimoine exceptionnel et dans un dialogue complice avec l’architecte Thomas Richez, Alexia Fabre a choisi de travailler avec Ange Leccia – artiste de la lumière et pionnier de la vidéo en France.
La gare a une grande façade extérieure plein sud. C’est un élément très fort de cette gare, on va avoir un grand volume, 15 mètres de haut, complètement vitré au sud, ce qui est l’inverse d’une ambiance de métro standard.
Thomas Richez
Prenant en compte le passage et le temps court d’attention des voyageurs qui monteront et descendront les escaliers de la gare, Alexia Fabre a encouragé Ange Leccia a travailler sur la perception, et à déplacer le regard que l’on porte sur la vidéo. Sur un monumental écran de 36 mètres de long et de 4 mètres de large, l’artiste a imaginé une oeuvre unique et évolutive où se succèderaient sans fin des levers de soleil.
L’œuvre d’Ange Leccia envisage le passage du temps avec optimisme. En proposant sur ce format panoramique de voir des levers de soleil enregistrés dans différentes parties du monde, l’artiste insuffle une dynamique au trajet quotidien. Régulièrement alimentée par l’artiste et dans un ordre aléatoire, cette boucle accompagnera les cheminements quotidiens de manière bienveillante, à toutes heures du jours et de la nuit. Il s’agit d’éviter l’usure du regard et de nous amener à une autre appréciation de la lumière.
Alexia Fabre
Les tandems artistes & architectes du Grand Paris Express
Pour chacune des gares, la Société du Grand Paris a souhaité faire appel à un artiste, pour concevoir une oeuvre d’art pérenne, dans le cadre d’un processus d’implication originale. L’intervention artistique est le fruit de la rencontre entre deux univers esthétiques : l’architecte et l’artiste oeuvrent en «tandems». Cette étroite collaboration se concrétise tout au long des différentes études de conception de la gare, permettant la création d’oeuvres véritablement intégrées. La conception de ces oeuvres d’art doit permettre d’assurer la qualité des espaces gares et de l’expérience voyageurs à long terme : la maintenance et la pérennité des oeuvres sont prises en compte dès leur conception.
Chaque jour, plus de 2 millions d’usagers seront au contact de cette collection d’art public, d’architecture et d’innovation urbaine à l’échelle du Grand Paris. Celle-ci participera au rayonnement national et international de la région Île-de-France, et constituera une nouvelle offre culturelle et touristique accessible à tous, faisant de chacune des 68 gares du Grand Paris Express un lieu de vie et une destination à part entière.
Qui est Thomas Richez ?
Thomas Richez est le fondateur de l’agence Richez_Associés. Il anime l’agence parisienne avec Frédéric Blerot et Vincent Cotter. Ensemble, ils se sont notamment occupés de la conception de la ville nouvelle de Putrajaya en Malaisie et de trois tours dans le projet Euralille. Ils ont également réalisé les tramways du Mans, Reims, Brest, Orléans, Casablanca, Tours et Liège, devenant une référence en matière de conception urbaine des tramways (Grand prix de l’ingénierie 2008 pour sa conception environnementale des tramways, par Villes et Transports et deuxième place « Meilleur projet international de tramway de l’année 2012 » pour les tramways de Brest et Casablanca).
Qui est Ange Leccia ?
Ange Leccia, né en 1952 à Minerviu en Corse, vit et travaille à Paris et en Corse. Après des études d’arts plastiques, il s’engage dans une double activité de plasticien et de cinéaste, et initie ses recherches en tant que pensionnaire à l’Académie de France à Rome. On a pu voir son travail, entre autres, au Musée d’art moderne de la ville de Paris, au Centre Georges Pompidou (Paris), au Musée Guggenheim de New York, à la Documenta de Kassel, au Skulptur Projekte de Munster, à la Biennale de Venise… Il est représenté par la galerie Jousse Entreprise. Il a réalisé des commandes publiques notamment pour les villes de Hiroshima, Atlanta, Lyon, Cluny, Nice, Nantes et Toulouse.