Aujourd’hui à J+1179 du premier jour de la première Saison culturelle de Bordeaux, en 2017 avec Paysages puis en 2019 avec Liberté !, on explore C comme Cartes Postales et D comme Dérive avec #HorsSaison réalisé par jigsaw avec Bordeaux Saison Culturelle : la rentrée et les souvenirs de vacances, les incontournables touristiques de Bordeaux revus par le dessinateur Guillaume Trouillard en 2017 mais également en cette période de vendanges, les dérives viticoles d’Aurélien Bellanger publiées en 2019 dans Sud Ouest.
Carte postale : moyen de correspondance écrite qui se présente sous la forme d’un morceau de papier rectangulaire.
Culte de la vigne
Au soleil couchant, l’océan acquiert parfois quelque chose de violacé, de gélatineux, de non-newtonien ; les hommes, s’ils revenaient, pourraient marcher dessus. Ils pourraient déambuler, comme nous, à la verticale de leur civilisation défunte, soudain arrêtée, vitrifiée, prise dans l’ambre salé de la mer.
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Nous retrouvons encore, tout autour de la ville, l’ambigu totem de ce projet d’arraisonnement : les longues racines vrillées d’une plante qu’ils ont cultivée avec une ardeur rare, une plante avec laquelle ils ont entrepris de saisir, comme avec des griffes, la terre évanescente. Toutes sortes de théories ont été formulées pour expliquer ces plantations régulières, cet acharnement à faire pousser, sur les sols les plus caillouteux et les plus ingrats, cet arbuste tarabiscoté en rangées parallèles : à quels mystérieux cultes ces lignes étaient-elles vouées ? On dirait l’écriture d’un maniaque, le délire d’un graphomane : moins une forêt que le coloriage d’une enfant ou d’un fou, une sorte de remplissage maniaque de l’espace, par parcelles minuscules, et aussi ordonnées de loin, que chaotiques regardées de près. Aucune forêt d’arbres miniatures n’a pu former ces sillons réguliers, aucun bois n’a pu croître naturellement de façon aussi douloureuse et grotesque. Ces bois noueux sont si solides et leurs racines ont si profondément creusé le sol que la plupart de ces alignements végétaux sont encore aujourd’hui visibles, et continuent, tout autour de la ville, à s’accrocher à nous comme des doigts diaboliques.
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Seules étaient admis, au milieu des parcelles, des sortes de petits castelets baroques, de temples dédiés à l’adoration de la plante mystérieuse. Ces édifices dissimulaient, dans leurs caves, des usines chimiques primitives qui transformaient ses fruits en une liqueur à la fonction inconnue. Avec quelle nostalgie du sol les humains la consommaient-ils ? Ils avaient dessiné des cartes pour indiquer les lieux où elle était la meilleure, et imaginé, pour la magnifier, des concepts un peu grandiloquents – châteaux, terroirs, appellations, classements –, toute une science qui ressemble à notre science des courants marins, à cette façon raffinée que nous avons de séparer l’inséparable, et de prêter à l’océan, comme par une mystérieuse nostalgie de la terre ferme, des strates invisibles.
Extraits du « Culte de la vigne », un texte d’Aurélien Bellanger écrit dans le cadre de ses chroniques hebdomadaires, parues dans Sud Ouest en 2019.
Qu’est-ce que Bordeaux Saison Culturelle ?
Pensées et construites comme un outil de développement et d’innovation culturelle au service du territoire, les saisons culturelles de Bordeaux s’imposent, depuis la première édition de Paysages 2017, puis à l’appel de Liberté ! 2019, comme un temps fort culturel créatif, véritable projet collectif, fondé sur des créations d’artistes en résidence, le lien avec l’ensemble des acteurs locaux, opérateurs culturels, petites et grandes institutions et la redécouverte de lieux et de territoires inexplorés. Le label Bordeaux Saison Culturelle constitue ainsi un véritable laboratoire de création fondé sur un renouveau de la politique culturelle bordelaise, articulé autour d’un récit de territoire, destiné à tous les publics.
Paysages Bordeaux 2017 explorait le tracé de la ligne à grande vitesse, à travers les itinérances esthétiques ferroviaires, dessinant une verticale du territoire du nord au sud. C’est sur la ligne horizontale plein ouest voguant librement entre l’estuaire et l’océan que Liberté ! Bordeaux 2019, se déployait. La prochaine saison culturelle 2021 sera une invitation au voyage à l’est, au creux des vignes et de la terre, en immersion dans cet « art de vivre bordelais » ouvert au monde incarné par le sous-titre « une saison culturelle pour regarder ailleurs ».