Aujourd’hui, on explore l’hospitalité d’une architecture réfléchie en duo par l’équipe mandataire Charles Pictet architectes associés à Genève et les architectes associés Atelier Martel à Paris, la mixité d’usages d’un bâtiment où habitat et activités s’imbriquent, dans le soucis d’une inter-connexion optimale à l’aménagement de l’ancien site ferroviaire par le bureau d’urbanisme AUC — Djamel Klouche. Visite du lot F et ses 265 logements & SOHO avec ses architectes pour saisir les enjeux de leur réalisation commune, marqueur de Chapelle International.
Un quartier contemporain se dessine Porte de la Chapelle, appelé à devenir avec le secteur nord-est de la ville, une nouvelle entrée de la capitale au coeur du projet du Grand Paris. L’aménagement urbain de ce territoire se doit d’être exemplaire, de répondre aux usages d’aujourd’hui et de demain, sans pour autant afficher une position trop discursive. Il s’agit pour nous, ici, en tant qu’architectes, de construire un sentiment de pérennité en s’affranchissant des signes stigmatisant des quartiers de logements sociaux comme du dessin prégnant des infrastructures ferroviaires.
Charles Pictet
Une conception urbaine
Le projet s’inscrit dans le plan directeur du quartier établi par l’agence parisienne AUC. L’architecte urbaniste Djamel Klouche a tracé les lignes et donné le “la” de la conception urbaine de ce nouveau quartier.
Notre projet s’inscrit au plus près de sa stratégie de façon à participer au mieux à en concrétiser les intentions. Djamel Klouche a énoncé l’idée de deux mondes : un monde bas qui est celui des deux premiers niveaux ; celui que le passant perçoit en déambulant. Le monde des enseignes et des commerces qui définissent les rues et les venelles et un monde haut : le monde des façades qui s’élèvent et qui constituent le skyline de la ville. Le photographe Gabriele Basilico avait aussi parlé de ces deux mondes dans ses écrits sur la ville. L’approche de l’AUC résonnait ainsi de façon familière et très motivante.
Toujours dans ce plan d’ensemble, l’AUC a prévu la rotation de certains bâtiments hauts sur leur socle de façon à réduire les vis à vis et d’ouvrir des diagonales. C’est le cas du plus haut de nos deux bâtiments.
En retranchant des parties de notre deuxième bâtiment dont l’emprise au sol prévue par l’AUC est polygonale nous l’avons accordé au premier en le faisant terminer au sommet par un plan carré dont la diagonale est alignée sur le premier.
Pour faire des deux bâtiments de notre lot un ensemble le plus homogène possible à même d’incarner une centralité dans le quartier en devenir nous avons choisi de traiter l’ensemble du lot d’une seule main au lieu de diviser les lots entre les deux agences et deux écritures architecturales comme l’ont fait d’autres acteurs.
Notre idée a été depuis le début que le lot F situé au centre du quartier donne un sentiment de quasi préexistence. Un étalon du plan de l’AUC : sans âge, sans affirmations. Une architecture de la raison. Un ensemble dont la présence devrait exprimer l’idée d’un nouveau morceau de ville. Une forme de cellule souche du plan de l’AUC. Un « éternel présent » pour citer Giorgio de Chirico.
Un langage, une structure
Les deux bâtiments ont des façades en préfabriqués béton dont la teinte est reprise de la pierre de Paris.
Un travail de composition des éléments, l’introduction de cordons, le dessin des joints soulignés pour hiérarchiser la façade : les moyens d’expression mis en œuvre sont simples et traditionnels. L’ordre monumental du socle se retrouve dans une grande loggia au cinquième niveau de la tour ainsi qu’aux deux derniers étages. Les huisseries en aluminium poli brillant scintillent en fond d’embrasures. Les plafonds des loggias sont peints couleur argent. Des volets en accordéon marron-noir reprennent la tradition parisienne et animent la régularité de la trame des façades. Des contrecœurs en acier poli miroir au dernier étage élancent le dernier niveau de la tour dans le ciel de Paris.
Tous les éléments d’expression du lot F sont destinés à être pérennes et à ne pas souffrir de l’usure du temps.
La structure régulière du lot F1 à permis de croiser deux grilles de porteurs en diagonale. La diagonale des 5m du socle (Soho) a permis de travailler sur une trame de 8m dans la tour. Ces deux trames optimales pour les fonctions qu’elles abritent permettent de mettre en œuvre aisément la stratégie de forme de l’AUC
Une loggia comme un phare
Une loggia
Introduite hors programme au premier tiers de la tour F1 elle forme un point de focale. Dans notre esprit c’est le centre idéal ou hétérotopique du quartier de Chapelle International: le point de départ et d’arrivée d’un vol imaginaire entre les nouveaux immeubles et dans les venelles qui les séparent.
Du quotidien
Les plans de niveaux F1 et F2 qui semblent simples en raison de leur régularité sont en réalité complexes dans la séparation et le réglage des circulations.
Les appartements ont tous été développés en cherchant une habitabilité optimisée. Emplacement et sens des portes, vues intérieures diagonales, seconds jours et liaisons entre pièces ont été soigneusement évalués. De même que dans les espaces communs, les soubassements peints à 1m de hauteur, les portes palières avec une bande de protection pour les clés et la préhension. Des décisions pratiques qui sont aussi des moyens de donner une échelle et une âme aux choses du quotidien par l’adéquation de leur expression à leur usage courant.
Nous espérons donc collectivement au sein de nos deux agences que nous livrons ici un ensemble de bâtiments pérennes et socialement responsables. Indémodables et à même de définir une part des fondements d’un nouveau quartier du 18ème arrondissement de Paris.
Charles Pictet
Chapelle International : une nouvelle entrée dans la capitale
Projet parisien ancré dans une géographie plus large, celle du Grand Paris, Chapelle International désigne un nouveau territoire dans le 18e arrondissement, qui prend tout son sens avec le développement de Saint Denis et d’Aubervilliers. Lancé en 2009, ce projet de ville d’une grande complexité prend place sur une emprise SNCF de 7 hectares, et répond à une nécessité d’innovation. Requérant une haute technicité de la conception à la réalisation, le cahier des charges rigoureux a été établi par les urbanistes de l’AUC, en particulier Caroline Poulin et Djamel Klouche.
Chapelle International répond à plusieurs enjeux comme celui de concilier un terminal ferroviaire en activité (relancé dans le contexte du plan climat à Paris) avec un quartier vivant où les habitations croisent commerces et bureaux suivant la logique des SOHO (Small Office Home Office). À l’échelle d’un quartier, il s’agit de raccorder un espace enclavé à la ville et à la périphérie, d’introduire des espaces publics dans un voisinage fortement marqué par les infrastructures de la gare du Nord et de l’Est. L’AUC a eu à cœur de montrer que fabriquer une ville à l’heure du développement durable, c’est aussi répondre à des enjeux sociaux. Les urbanistes ont défendu pour les usagers une politique de mixité et de cohésion sociale dans un Paris qui subit des pressions économiques et sociales toujours plus fortes.
Qui est Charles Pictet ?
Le Bureau Charles Pictet Architectes Associés FAS SIA a été créé en 2002 et a réalisé un ensemble d’objets principalement situés en Suisse. Engagée culturellement, la pratique de l’architecture du bureau se décline sous plusieurs angles : constructions de villas contemporaines, immeubles de logements, transformations et rénovations de biens patrimoniaux. Le bureau répond à des commandes privées et participe à de nombreux concours, désireux d’amener une réflexion pertinente à différentes échelles.
De nombreuses réalisations du bureau ont été distinguées par des prix d’architecture en Suisse. La Distinction Vaudoise d’Architecture (2000), Der Beste Umbau (2008 et 2014), la Distinction Romande d’Architecture (2010 et 2014), le Prix Hochparterre (2011) et Das Beste Einfamilienhaus (2016).
Qui est Atelier Martel ?
Atelier Martel est né en 2009 dans la rue éponyme du 10e arrondissement de Paris. Les architectes Marc Chassin, Stéphane Cachat et Laurent Noël décident de s’y regrouper au sein d’une même entité et de participer à l’élaboration de projets communs sous le nom Atelier Martel.
Basant sa pratique sur une idée de production collective et interdisciplinaire, Atelier Martel définit sa production à travers son engagement dans la dimension sociale de l’architecture et sa capacité d’expression artistique et culturelle.
Travaillant en étroite collaboration avec des artistes, Atelier Martel propose une vision contemporaine de l’œuvre totale où art, territoire et architecture sont réunis dans un ensemble indissociable. Atelier Martel prête également ses murs à des artistes, qui investissent l’atelier pour une durée de trois mois.
Les bâtiments produits par l’atelier se réfèrent à des récits d’autres constructions dont les détails inattendus ou perdus au fil du temps sont une invitation à tirer le fil de l’histoire et à le retisser dans une évocation contemporaine et locale. Cette sensibilité pour certaines constructions anciennes témoigne d’une double vision du développement durable : pouvoir donner une nouvelle vie aux bâtiments hérités, et savoir puiser dans le vaste répertoire des formes anciennes.