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Expérience sonores, collectives et démocratiques de la ville avec Sara Rodrigues et Natasha Nicholson

Dépasser et rompre les frontières poreuses de nos relations sonores et urbaines avec les voix non-humaines, surgissantes et captivantes – dans le cadre de l’édition 2021 du cycle de colloques Crafting a Sonic Urbanism dirigés par Theatrum Mundi, en collaboration avec IRIS (Institut de Recherche Interdisciplinaire des Enjeux Sociaux).

The State of Things – Sara Rodrigues, 2017-2018 © Sara Rodrigues

Le 18 mars dernier, à la Gaîté Lyrique, le centre de recherche indépendant Theatrum Mundi a organisé une journée d’étude dans le cadre du cycle de colloques Crafting a Sonic Urbanism, en collaboration avec le laboratoire IRIS (Institut de Recherche Interdisciplinaire des Enjeux Sociaux : CNRS, École des hautes études en sciences sociales (EHESS), Inserm et Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne). Une journée d’explorations, de présentations et de performances pour tenter de saisir, comprendre et révéler nos relations invisibles mais audibles avec les voix non-humaines. 
Ici, une immersion guidée par Henri Guette pour jigsaw au-coeur de ces problématiques, grâce à une série de courts-métrages en ligne présentée par Theatrum Mundi pour explorer la manière dont les artistes s’en emparent.

Formes de vies humaines et non-humaines se répondent comme dans un chœur

Avez-vous déjà remarqué que les stridulations des insectes créaient comme un son de basse électro ? Un lit sonore sur lequel vient se poser tous les autres bruits de la ville et que l’on finit par oublier. Le projet de recherche The State of Things commence en 2017 à Funchal sur l’île de Madère mais la vidéo qui nous occupe a été réalisée en 2018 sur le même principe à Porto, à la Galeria do Sol.

The State of Things – Sara Rodrigues, 2017-2018 © Sara Rodrigues

Sur une période d’un mois, en studio, des musiciens sont invités à partager leurs souvenirs sonores et en particulier ceux de la ville. On se rend compte alors de tout ce qui fait une ville dans le silence et par contraste. Ainsi, ce qui caractérise pour une participante la ville portuaire de Porto c’est le cri des mouettes et le bruit des vagues, pour un autre c’est celui du passage des camions bennes et des pigeons qui marque la routine sonore des matinées. Avec leurs instruments : un violon, une guitare, la voix ou encore les possibilités de l’électronique, les musiciens cherchent à traduire et reconstituer ces sons plus complexes qu’ils n’y paraissent. Cette recherche de traduction sollicite une écoute particulière, une attention à l’urbanisme sonore qui dépasse la question des nuisances. C’est un certain rythme de la ville qui apparaît dans ce concert où les formes de vies humaines et non-humaines se répondent comme dans un chœur. 

Les infrastructures de la ville définissent un environnement qui marquent nos façons d’être autant que celles d’espèces non humaines qui s’adaptent et évoluent. Ce travail d’observation, qui emprunte aux procédés de la musique expérimentale comme au protocole de sciences humaines, nous fait prendre conscience d’une richesse insoupçonnée à portée d’oreille.

🎥 The State of Things (2017-2018) – créé par Sara Rodrigues, en collaboration avec les musiciens : Bertrand Chavarria-Aldrete, Afonso Almeida, Marta Ângela, Gonçalo Araújo, Francisco Babo, Rita Braga, Jorge de Carvalho, Daniel Catarino, João Costa, Ana Cruz, Paulino Garcia, Inês Lapa, Gabriel Mendes, Manuel Molarinho, Andrew Nimmo, Daniel Osvaldo, Leonor Parda, Kiko Pereira, Vítor Pereira, Sara Rafael, Sérgio Tavares, José Valente, Gabriela Villar, Sara Villar. 

The State of Things – Sara Rodrigues, 2017-2018 © Sara Rodrigues

« Une démocratie entre espèces semble être une idée radicale mais elle questionne l’idée de privilégier l’action et les relations humaines avec les autres espèces »

Voici comment Natasha Nicholson décrit son film Interspecies intersections: listening in and sounding out new urban narratives à Londres lors du premier confinement de mars 2020. Bien des observateurs se sont accordés à souligner que, pendant cette période où la circulation était moindre, où les jardins et parcs n’étaient plus “entretenues” que la nature reprenait ses droits… Mais s’agissait-il simplement de changements environnementaux permis par un arrêt des activités humaines ou bien d’un changement de perception qui nous permettait d’écouter et de voir autrement depuis la fixité d’un appartement ? Les plantes et animaux profitent de la moindre brèche pour passer, pousser, grandir mais les humains restent maîtres des plans d’urbanismes.Ce déséquilibre peut être source de conflits ; les humains ont une incidence sur les autres formes du vivant tout comme les formes non-humaines affectent l’humain. Des formes d’urbanismes existent déjà avec pour objectif d’apaiser ces relations : des couloirs aériens, des passages réservés, des espaces de liberté à l’intérieur de villes. Mais ces aménagements et nouvelles relations établies avec la vie non-humaines pourraient encore être davantage développées.

Interspecies intersections : listening in and sounding out new urban narratives, 2021 © Natasha Nicholson

Natasha Nicholson nous invite avant tout à écouter ces “accoustic common” qui fondent une expérience collective et même démocratique de la ville. Le but de la réalisatrice en se mettant à l’écoute n’est pas d’identifier tel ou tel spécimen, telle ou telle espèce mais de faire reconnaitre des voix politiques, plus précisément celles des oiseaux qui de l’aurore au crépuscule rythme le temps urbain. En empruntant au vocabulaire et au langage musical, elle propose une vision plus complexe de la ville et situe des enjeux urbanistiques plus que jamais d’actualité dans un contexte pandémique où la question de la proximité des humains et des animaux est en cause.

🎥 Interspecies intersections : listening in and sounding out new urban narratives (2021), de Natasha Nicholson

Interspecies intersections : listening in and sounding out new urban narratives, 2021 © Natasha Nicholson

Qu’est-ce que Sonic Urbanism ? 

Dans le cadre de Sonic Urbanism — projet d’étude et d’exploration des problématiques du son dans la ville, initié en 2018 par Theatrum Mundi, Crafting a Sonic Urbanism est un cycle de colloques dirigés par Theatrum Mundi — centre de recherche urbain indépendant implanté à Londres et à Paris. Après les premières éditions du colloque à la Maison des Sciences de l’Homme Paris Nord en 2018 et en 2019, la troisième édition du colloque – centré autour du thème « À l’écoute de la vie non-humaine » – s’est tenu le 18 mars dernier à Paris, depuis la Gaité Lyrique. En octobre dernier, un appel à participations a été lancé à destination de chercheurs, d’artistes et de professionnels travaillant sur ces questions. Pour la deuxième année consécutive, Theatrum Mundi collabore avec l’Institut de Recherche Interdisciplinaire sur les enjeux Sociaux (IRIS) intégré à l’EHESS (Écoles des Hautes Études en Sciences Sociales) afin d’interroger la façon dont le son peut ouvrir de nouvelles perspectives en termes d’aménagement urbain, et de nouvelles manières d’aborder ces questions. Au-delà du paysage sonore en tant que produit de la vie urbaine, l’enjeu est de cartographier les usages contemporains intégrant les problématiques de son dans leur réflexion afin de révéler d’autres phénomènes urbains, et utilisant des méthodologies sonores pour intervenir dans ces derniers. 
Depuis maris dernier, Theatrum Mundi présente une exposition en ligne de films d’artistes, architectes, chercheurs invitant à porter notre attention sur les voix non-humaines qui nous entourent.
Pour la troisième année consécutive, Theatrum Mundi collabore avec le collectif éditorial &beyond pour produire une publication autour du colloque annuel Crafting a Sonic Urbanism : à l’écoute de la vie non-humaine à paraître en automne 2021. Ces éditions explorent le champ émergent des pratiques qui repensent et questionnent les façons dont le son peut ouvrir de nouvelles perspectives en termes d’aménagement urbain.Les éditions précédentes, Sonic Urbanism: reverberations in a new field et Sonic Urbanism: the political voice sont disponibles sur l’e-shop de Theatrum Mundi.