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Grand Paris Express : Dans les coulisses du futur Centre technique d’Aulnay, avec Yann Kersalé & Mark Wilson

En ces temps de confinement exceptionnel, où pour une bonne part nous sommes appelés à rester chez nous, les distances semblent infranchissables. Parce que demain s’invente aujourd’hui : artistes et architectes imaginent, célèbrent et bâtissent notre patrimoine du futur. 

C’est en compagnie de l’architecte Mark Wilson, de l’artiste Yann Kersalé et de leurs projections que nous découvrons les coulisses du futur centre technique d’Aulnay. Le chantier n’aura bientôt plus de secret pour vous !

Vue de synthèse du futur Centre technique d’Aulnay en pleine nuit © SGP / Groupe 6

Un bâtiment cinétique en bord d’autoroute

Le Centre technique d’Aulnay n’est pas destiné à recevoir du public. En bord de l’autoroute A1, la taille du bâtiment attire pourtant l’attention et ne nécessite pas moins de travail qu’une gare selon l’architecte Mark Wilson qui a voulu « dépasser l’image du bâtiment industriel mal inséré dans la ville qui souffre et fait souffrir son environnement ». Dès la conception et le concours, le cabinet de Mark Wilson, Groupe-6, a souhaité travaillé avec l’artiste Yann Kersalé sur l’éclairage du bâtiment, un Tandem qui s’est formé de lui-même autour de l’idée d’une sculpture lumineuse qui enverrai des signaux de jour (avec des brises-soleil bicolores et les facettes de la toiture) comme de nuit (avec un système lumineux progressif et variable). 

Depuis plus de 40 ans, que ce soit avec Jean Nouvel ou Rudi Ricciotti, je travaille au plus proche des architectes, la plupart du temps dès la conception et avant la phase des concours. Les objets industriels m’intéressent beaucoup pour leur caractère monumental et leur beauté méconnu du public. Je ne veux pas attendre qu’ils deviennent des tiers lieux pour souligner leurs structures et les révéler aux passants.Yann Kersalé 

D’une part le Centre technique donne sur l’autoroute A1, d’autre part sur la ville d’Aulnay. Urbanistiquement il est à un emplacement très particulier, sur une ancienne friche PSA, et nous avons cherché à en prendre acte dans des traitements de façade très différents. Côté ville, avec une façade sobre et doublée d’arbres, le bâtiment a quelque chose de paisible ; il protège et du bruit et de la pollution. Côté autoroute, le bâtiment avec un porte-à faux, de larges ouvertures vitrées et un traitement rythmée des toitures est plus ouvert ; il s’affiche de jour comme de nuit et dit quelque chose du rôle important qu’il joue pour le réseau tout entier. Mark Wilson

Vue de synthèse du futur Centre technique d’Aulnay vue de haut © SGP / Groupe 6

Pulsations de lumière

À la nuit tombée, les sites de maintenance laissent entrevoir leur activité. La lumière fonctionnelle se propage, en totale continuité, des espaces intérieurs aux espaces extérieurs, afin d’accentuer la notion de transparence. Cette lumière nécessaire à l’usage nocturne témoigne de la vie du site, au gré de ses allumages et extinctions progressifs. La pulsation de la vie du site est animée par les allées et venues des rames de métro automatiques, dont les intérieurs éclairés en fait autant de convois de lampions lumineux. 

Au début du projet, nous imaginions un site qui puissent être visité du public avec des galeries vitrées et des circulations qui permettent de mesurer l’importance du travail technique. J’avais en tête les coursives du chantier naval de l’Hermione qui accueillait les visiteurs. Pour des raisons de sécurité, cette piste n’a pu être retenue mais nous voulions faire transparaitre quelque chose de la fonction de ce bâtiment, développer une narration pour le voisinage, une poétique des abords. […] Sur les kilomètres de la façade, j’ai imaginé un jeu de pointillés qui suggère une respiration calme. Je tenais à garder l’idée d’un lieu de repos pour ce dortoir de trains. Vue de l’extérieur cela peut être perçu comme une veilleuse, témoignage intime d’une présence industrielle, ou comme une balise de sécurité, modeste en terme d’énergie mais perceptible et rassurante.Yann Kersalé

Arrêt sur image d’une vidéo consacrée au Centre Technique d’Aulnay © Groupe 6

Tel un grand « mammiferroviaire » marin aux respirations lentes et puissantes, l’ensemble du site vibre d’un frisson de lumière. La partition lumineuse qui anime les bâtiments est automatiquement générée à partir de paramètres pré-enregistrés et/ou captés en direct sur le site. 

En travaillant dès le début avec Yann, notre projet s’est enrichi de multiples perspectives. Si pour nous l’idée d’un dialogue avec l’autoroute et d’une insertion du paysage était très importante – nous sommes sur la route du Bourget  et de l’aéroport et déjà une vitrine du Grand Paris – nous avons pu avec lui réfléchir à l’inscription du bâtiment dans le cycle d’une journée et d’une nuit. Nous avons eu recours à de nombreuses simulations pour observer l’impact des lumières sur l’environnement, non seulement dans l’objectif de réduire une pollution lumineuse mais surtout dans l’idée de faire oeuvre, de témoigner de ce qu’il se passe. Une ambition plutôt rare pour un site industriel, des bâtiments que beaucoup considèrent comme subalternes malgré leur impacts paysagers forts.Mark Wilson

Cartographie des Tandems artistes & architectes, février 2020 © Société du Grand Paris – QUAI#3

Les Tandems artistes & architectes du Grand Paris Express

Pour chacune des gares, la Société du Grand Paris a souhaité faire appel à un artiste, pour concevoir une oeuvre d’art pérenne, dans le cadre d’un processus d’implication originale. L’intervention artistique est le fruit de la rencontre entre deux univers esthétiques : l’architecte et l’artiste oeuvrent en «tandems». Cette étroite collaboration se concrétise tout au long des différentes études de conception de la gare, permettant la création d’oeuvres véritablement intégrées. La conception de ces oeuvres d’art doit permettre d’assurer la qualité des espaces gares et de l’expérience voyageurs à long terme : la maintenance et la pérennité des oeuvres sont prises en compte dès leur conception.
Chaque jour, plus de 2 millions d’usagers seront au contact de cette collection d’art public, d’architecture et d’innovation urbaine à l’échelle du Grand Paris. Celle-ci participera au rayonnement national et international de la région Île-de-France, et constituera une nouvelle offre culturelle et touristique accessible à tous, faisant de chacune des 68 gares du Grand Paris Express un lieu de vie et une destination à part entière.

Vue de synthèse de l’accueil du futur Centre technique d’Aulnay © SGP / Groupe 6

Qui est Mark Wilson ?

Mark Wilson est architecte à l’agence Groupe-6. Créée en 1970 à Grenoble par six architectes, Groupe-6 est une agence collective et transgénérationnelle. Groupe-6 a conçu le Musée des Beaux-Arts et la Caserne de Bonne (Breeam Awards 2015), à Grenoble, le pôle commerces et loisirs Cap 3000, à Nice, et réalise le siège social de Schneider Electric à Grenoble, les laboratoires CRBS de Strasbourg et la tour de l’Hôtel Marriott, à Bahreïn.

Mark Wilson © Renaud Chaignet & Yann Kersalé © DR

Qui est Yann Kersalé ?

Yann Kersalé, artiste français né en 1955, utilise la lumière pour créer, et a choisi la nuit comme terrain d’expérimentation. Il a notamment réalisé l’œuvre Mer-veille, sur la façade du MuCEM, à Marseille, qui s’anime chaque nuit grâce à des centaines de points lumineux dispersés derrière la résille de béton. En 2014, Yann Kersalé reçoit l’European Prize for Urban Public Space, pour son travail sur le Vieux-Port de Marseille.