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Grand Paris Express : coup d’oeil dans le rétro avec Jan Vormann & Cie

« Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur … la culture aux abords des chantiers » © SGP

Parce que demain s’invente aujourd’hui : la Société du Grand Paris a à coeur d’impliquer sur les chantiers des artistes et des passagers, des habitants et des designers, aux côtés des architectes et des ouvriers. En 2019, Jan Vormann a été invité à travailler aux abords de la future gare de Créteil-L’Échat dans le cadre des « Chantiers Partagés », et n’est pas venu seul. Entouré d’artistes de divers horizons, des arts plastiques au spectacle vivant en passant par le paysagisme, Jan Vormann & Cie ont mis en place une cartographie sensible de la ville pleine d’aléatoires et de déviations. Cette semaine : premier retour sur leurs actions avec les passants et habitants pour appréhender les enjeux de chantiers en tout points hors normes.

Portrait de groupe à Créteil – 2019 © SGP / Jan Vormann & Cie

Les « Chantiers Partagés » : fabriques artistiques d’espaces communs

Pendant la période des travaux, la Société du Grand Paris fait des chantiers des lieux d’échange et de création : actions artistiques, ateliers, installations dans l’espace public, performances, balades urbaines et rendez-vous conviviaux sont organisés tout au long de l’année aux abords des chantiers. En dialogue avec les collectivités et en lien avec les chantiers, ces événements permettent de rassembler habitants et travailleurs du territoire autour d’actes partagés. Architectes, designers, artistes, collectifs, associations locales, écoles d’art et d’architecture, déploient des dispositifs d’interventions culturelles et artistiques innovantes, au plus près du quotidien des habitants, afin de faire du projet du Grand Paris Express une histoire humaine et citoyenne.
Après une première saison menée avec des équipes pluridisciplinaires, parmi lesquelles le collectif Yes We Camp, l’artiste Malte Martin, Si Architectes, et le collectif Parenthèse, les actions se poursuivent sur les territoires, toujours en dialogue avec les collectivités et en lien avec les chantiers du Grand Paris Express. Ces projets artistiques in situ rassemblent habitants et acteurs du territoire autour d’actes partagés singuliers, amenant un autre regard sur les enjeux liés au projet du Grand Paris Express.

Déviation volontaire
Juin > Août 2019

Vue d’atelier avec Androphyne, 2019© SGP / Jan Vormann & Cie

Créteil n’était pas une destination inconnue pour Jan Vormann. Contacté par la Société du Grand Paris, l’artiste franco-allemand s’est rappelé de ses vacances d’été chez sa grand-mère et de son enfance dans la région parisienne. Plus qu’une sculpture ou un mural, il a voulu proposer un projet à l’échelle du quartier en multipliant les approches et les collaborations, et profiter du chantier pour imaginer de nouvelles façons de rencontrer les habitants et d’échanger avec eux. 

La connaissance que j’avais du territoire n’a pas tellement influé dans le projet que j’ai proposé. Je voulais profiter du chantier même pour retrouver une ouverture aux habitants et faire de ce territoire un terrain de jeu, hors des habitudes ou des a priori que l’on peut en avoir.

Jan Vormann 

Entouré de la paysagiste Pamela Haydamous, de la compagnie Androphyne (Magali Pobel & Pierre-Johann Suc) et des artistes visuels Charlotte Seidel et EmEmEm, Jan Vormann a voulu s’installer dans la ville par le biais d’actions discrètes et néanmoins fédératrices. Pluridisciplinaire, l’équipe de Jan Vormann était aussi polyglotte et a pendant trois mois multiplié les rencontres et les ateliers pour présenter leurs démarches et inviter le public à se joindre à eux.

Le chantier est une occasion de repenser la ville et de briser le cycle métro-boulot-dodo. L’autorité de la ville autorise d’une certaine manière cette sortie de route. En détournant sa signalétique faite de déviations et d’injonctions à rester vigilant, j’ai voulu proposer de nouveaux chemins aux gens pour atteindre la joie.

Jan Vormann

Des confettis comme après une fête au sortir de l’Université, des vermicelles sur un plot de circulation, ou même un panneau à côté d’une plante qui sort du bitume… Rien d’extraordinaire a priori, mais autant de manières de réinventer le quotidien. En s’appuyant sur le manifeste situationniste de Guy Debord, Jan Vormann et son équipe ont proposé un « détour à la normale » et ont ouvert des chantiers artistiques comme autant de moyens de repenser la ville et de la parcourir. 

Des ateliers à chaque coin de rue
Juin > Août 2019

Vue d’atelier avec Pamela Haydamous, 2019 © SGP / Jan Vormann & Cie

Pendant trois mois, un fléchage a invité les riverains à choisir de nouvelles routes. Au lieu de contourner des obstacles, les Déviations Volontaires ont mené à des chantiers, correspondant à des installations éphémères et immatérielles mais également à des ateliers qui ont conduit les habitants à regarder la flore urbaine au travers d’herbiers, à dessiner leurs propres signalétiques et à dépasser l’obstacle du chantier pour prendre la ville à bras le corps.

À notre arrivée, nous commençons toujours par observer les lieux attentivement ; cela peut susciter la méfiance mais aussi engager le dialogue. Nous avons ainsi cherché à nous signaler dans l’espace en occupant, dans un premier temps, un pont suspendu et en saisissant au vol la possibilité d’une rencontre – à la manière d’harangueurs sans doute. Nous créons des personnages, nous faisons une famille et essayons d’entraîner le public dans nos détours. 

Androphyne

En travaillant les signalétiques lors de différents ateliers, Jan Vormann et ses collaborateurs ont mis en valeur la croissance propre de la ville. Le chantier devient une manifestation urbaine inévitable dont la beauté ne peut être révélée que par un spectateur ouvert et attentif. Les passants se retrouvent engagés par la danse, de la même manière qu’il suivent la signalétique urbaine ; les corps reprennent ainsi dans la ville, le temps d’un atelier avec Androphyne, leurs propres trajectoires. 

Le Grand Détour
Les 06 et 07 juillet 2019

Capture d’écran de Performance Créteil / Déviations Volontaires – 2019 © Androphyne

Après plusieurs mois d’ateliers et d’actions discrètes aux alentours de la future gare de Créteil-L’échat, Jan Vormann a voulu proposer un week-end en point d’orgue début juillet 2019. Accompagné de ses accolytes, Charlotte Seidel, EmEmEm, Androphyne et Pamela Haydamous, il proposait outre des ateliers, une occupation poétique de la rue. Si les déviations volontaires mises en place avec la signalétique de la ville et du chantier proposaient aux passant de faire le pas de côté pour rédécouvrir autrement l’environnement urbain, Le Grand Détour s’affirmait comme une installation aux allures estivales où se poser, se retrouver et se rencontrer. 

Après avoir pris le temps de mieux connaître le territoire au travers de workshops et d’installations individuelles, Le Grand Détour était pour nous l’occasion d’une action collective qui puisse à la fois être une exposition de notre travail, mais aussi un moment où après avoir pris le temps de la rencontre depuis cinq ou six positions différentes, nous pouvions proposer un temps singulier dans le quartier.

Jan Vormann

Événement collectif, Le Grand Détour était résolument pluridisciplinaire avec un jardin de plantes sauvages improvisé dans des parpaings proposé par Pamela Haydamous, des ateliers de réparation de rue proposés par Jan Vormann, avec des légos, ou par EmEmEm, avec la technique du flacking qui consiste à boucher un trou dans le trottoir par des éléments de carrelage. Ces ateliers avaient pour but de rendre la ville plus agréable et incitaient les passants et habitants à investir collectivement le quartier, et à créer du commun à partir de la conscience d’un environnement sur lequel il peut influer.

Nous avons voulu, pour continuer sur l’idée du détournement, proposer par le chantier une échappée belle. Le sable du chantier pouvait ainsi permettre de façon certes absurde, mais conviviale, de recréer une plage. Quand nous nous présentions aux passants et que nous disions que nous venions des Landes, on nous parlait invariablement de l’Océan ; c’était une manière également pour nous de jouer avec cette complicité.

Androphyne

Sous les parpaings, Créteil-Plage

© Androphyne

En proposant de faire du chantier une plage, Androphyne est parvenu à modifier la perception de la ville par les habitants eux-mêmes. Au travers de cette installation esthétique se jouaient également des enjeux socio-culturels ; non loin de Paris qui a son opération Paris-Plage sur les quais de Seine l’été, Créteil passait pour moins attractive alors même que les évènements organisés rassemblent beaucoup de monde et des personnes venues de milieux très différents.

Nous sommes chorégraphes de formation et tous nos projets ont une implication physique, mais nous faisons aujourd’hui quelque chose qui relèverait peut-être plus de la médiation. Nous créons des personnages, nous nous faisons harrangueurs, rabbateurs pour les interpeller et les inciter à nous rejoindre ; à Créteil nous voulions qu’ils nous rejoignent sur la plage plutôt que de rester sur le trottoir. 

Androphyne

En détournant des parpaings pour en faire un ghetto-blaster, une glacière ou même des tongs, Androphyne a poussé loin l’inventivité et le souci du détail pour faire de la plage un réel objet plastique aux abords de la gare. En tricotant la rubalise, il est possible de faire des serviettes ; en déversant du sable sur la route sous le regard étonné des passants, il est possible de créer un nouvel imaginaire et d’inviter chacun.e à entrer dans cette espace là et à s’y installer.

On reste rarement aux abords d’une gare. Quand on s’y donne rendez-vous, c’est pour aller ailleurs, mais peut-être que l’ailleurs peut rentrer sur le parvis d’une gare. En réalité Le Grand Détour a duré bien plus que deux jours quand on prend en compte le temps de montage et de préparation, qui a été réalisé à vue et dans une interpellation entre la rue et nous. Nous n’avons cessé de donner rendez-vous pendant ces jours essentiels – aux ouvriers comme aux habitants.

Androphyne
Une vidéo conçue par Androphyne qui revient sur le projet Déviations Volontaires

Déviation Volontaire : un parcours sur le web

Capture d’écran du site Déviation Volontaire – 2019© SGP / Jan Vormann & Cie

En forme de carte, le site qui retrace les parcours de Déviation Volontaire autour de la gare de Créteil-L’échat est à découvrir : ICI

Qui sont Jan Vormann & Cie ?

Jan Vormann en pleine action aux abords de la gare de Crétéil-L’échat ©  SGP / Jan Vormann & Cie

Jan Vormann
Né en 1983, Jan Vormann a fini ses études au Kunsthochschule Berlin-Weißensee en 2010 et mène depuis des projets artistiques dans le monde entier. Avec Dispatchwork, jeu multijoueur pour pratiquement tous les espaces publics du monde, il aborde les thèmes de la réparation et de la conservation, du ludique et de l‘éphémère. En invitant des centaines de passionnés à conquérir légitimement leur part d’espace public, Jan Vormann guérit les fissures et ajoute de la couleur aux paysages urbains. Il développe ses œuvres pour l‘espace public ainsi que pour les galeries, musées, festivals comme Nuart Festival en Norvège ou biennales comme celle de Venise en 2018 dans le Pavillon français.
Présentation à retrouver : ICI

Pamela Haydamous
Architecte paysagiste, titulaire d’une maîtrise en design urbain du Royaume-Uni, Pamela Haydamous est la cofondatrice du studio Greener-on the otherside. Ce studio a pour objectif de recréer une symbiose entre l’homme et la nature dans les contextes urbains et ruraux. Pamela et sa partenaire, Zeina Kronfol, ont réalisé avec succès des projets variés tant dans les jardins résidentiels privés que dans les espaces publics au Liban, à Madrid, et aux Émirats Arabes Unis. Elles ont également co-créé le concept de « paysages mutés » (Mutated Landscapes) conçu pour les installations d’art vert qu’elles ont présenté à l’Institut du Monde Arabe à Paris en 2015, ainsi qu’au Madrid Design Festival en 2018.
Présentation à retrouver : ICI

Bruits et paroles aux alentours de la future gare des Ardoines – 2017-2018 © SGP / Jan Vormann & Cie 

Androphyne
Magali Pobel et Pierre-Johann Suc sont des chorégraphes qui explorent les mécanismes de la performance et du mouvement du corps humain, dans et à travers, les espaces dédiés ou non à la représentation. Installés en France dans le département des Landes depuis 1998, Pierre-Johann SUC et Magali POBEL formés au Centre National de Danse Contemporaine d’ANGERS, imaginent leurs premières pièces en 2000. Touche-à-tout insatiables, ils se placent rarement à l’endroit où on les attend. La question est ainsi toute posée : Androphyne est elle encore aujourd’hui une « compagnie de danse » ?
Présentation à retrouver : ICI

Charlotte Seidel
Charlotte Seidel, artiste plasticienne, vit à Paris. Elle cultive un art sensible de l’invisible, de l’absence et de l’éphémère, intervenant in situ de manière très légère et poétique pour magnifier des détails du quotidien. Créant une poésie du petit rien, elle cherche par ses interventions à évoquer des sentiments, des souvenirs. Elle aime à brouiller les pistes pour mieux influer sur la perception du spectateur et stimuler son imaginaire, en métamorphosant une scène ou un objet du quotidien en expérience onirique.
Présentation à retrouver : ICI

EmEmEm
Né sur un trottoir accidenté en 2016, EmEmEm est un de ces fils de bitume qui ont le désordre dans le sang. Ses pansements de trottoirs, devenus courants dans la capitale des Gaules, se répandent désormais un peu partout en France et en Europe, au gré des vagabondages de ses semelles usées. Dans le cadre de manifestations artistiques ou incognito à la lueur des réverbères, EmEmEm rafistole le bitume et lui greffe des portes vers le pays des merveilles. Ses œuvres terrestres, baptisées « flackings » laissent couler un peu de lumière à travers les croûtes homogènes qui ensevelissent nos villes…
Présentation à retrouver : ICI