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Grand Paris Express : Pierre-Olivier Deschamps et Françoise Huguier : deux visions d’un Grand Paris en préfiguration

Parce que demain s’invente aujourd’hui : la Société du Grand Paris a à coeur d’impliquer autour de ses lignes des artistes et des passagers, des habitants et des designers, aux côtés des architectes et des compagnons du chantier. Dès sa création la Société du Grand Paris a affirmé son intérêt majeur pour l’image par des commandes auprès d’artistes. En 2011, deux photographes de l’agence VU ont ainsi livré leurs visions : Pierre-Olivier Deschamps, dont l’approche, principalement technique et documentaire, s’inspire du street view et Françoise Huguier, qui partage le quotidien de familles vivant aux abords des futures gares. Ces premières productions ont été présentées lors de l’exposition Les Passagers du Grand Paris Express au MAC VAL en 2015, et participent ainsi à la construction d’une mémoire des territoires qui seront desservis par le Grand Paris Express.

Vue de l’exposition Les Grands Parisiens en 2017 © DR / SGP

Les paysages photographiques de Pierre-Olivier Deschamps

Dans la lignée de grandes commandes comme la Mission Héliographique de 1851, la mission confiée par la Société du Grand Paris à Pierre-Olivier Deschamps était celle, à la veille des chantiers, de proposer un état des lieux du Grand Paris depuis les sites des gares à venir. Sillonnant plus de 600 kilomètres au travers des banlieues et de 57 lieux, le photographe prend plus de 4000 images dont il ne retiendra pour l’exposition au MAC VAL en 2015 que 84 clichés. Techniquement, il consacre outre une demi-journée de repérage, une journée par lieu dans une optique documentaire, dite aussi de street-view ; que voit-on lorsqu’on se positionne à l’endroit de la future gare ? Les images sont géolocalisées.  

Posant son appareil sur pied, Pierre-Olivier Deschamps adopte les codes de la photographie d’architecture. Les prises de vues sont frontales et soulignent les lignes droites, l’ordre des constructions, leur ordonnancement dans un espace. Ce cadre rigoureux permet de documenter la variété architecturale des proches banlieues de Paris, leur voirie sophistiquée, les superpositions de tissus sociaux; de rassembler un matériau presque scientifique. À l’image pourtant, un supplément d’âme se dégage, un détail ou un flou qui traduisent un accident ou une rencontre. Le curieux comme les passants entrent dans le plan d’ensemble et rappellent combien l’humain donne le pouls, le rythme de l’urbain. 

L’un des paysages photographiques de Pierre-Olivier Deschamps © Pierre-Olivier Deschamps – Agence VU

Pierre-Olivier Deschamps a travaillé avec une chambre photographique. Le cadre prédéfini une fois l’appareil posé est regardé à travers un dépoli. L’image est inversée de gauche à droite et de bas en haut. Les photographies prises à la chambre sont souvent plus dessinées parce que le regard est avant tout attiré par les silhouettes, le dessin, l’architecture générale. L’appareil enregistre ce qui a été pré-déterminé par le cadre, une alternative à un dessin fait sur le vif. L’imprévu se produit ; le photographe appuie sur le déclencheur. L’image obtenue contient alors ce que vous n’aviez peut-être pas prévu. La focale utilisée aboutit à une vision naturelle, ce qui semblait essentiel à Pierre-Olivier Deschamps pour assurer la pérennité de son travail, constituer un fonds photographique pour à terme, témoigner de l’histoire de ces paysages de banlieue.
Sylvie Groueff – « Photographier les territoires du Grand Paris Express », Mediapart.

Les portraits des Grands Parisiens de Françoise Huguier

Experte associée à la mise en place du projet culturel de la Société du Grand Paris, Françoise Huguier aime à répéter que les artistes ont un rôle à jouer dans la construction d’un nouvel imaginaire. Elle développe à partir de 2011 un travail, autant artistique que sociologique, auprès des habitants. Habituée des reportages, la photographe a en effet le goût de l’enquête et des rencontres et cherche à retranscrire quelque chose des univers d’habitants, de familles, de colocataires, dont le quotidien et la vie seront transformés par le futur métro. Que ce soit par Facebook, par des amis ou par des mairies et des associations locales, François Huguier rencontre plus d’une vingtaine de foyers. Dans cette galerie de portraits, on retrouve aussi bien des étudiants en colocation à Saint-Denis qu’une famille de Sénégalais à Montfermeil, des retraités d’Aulnay qu’un artiste dans son atelier-logement à Villejuif. 

Françoise Huguier adopte pour ce projet une approche intimiste. Au delà des salons, chambre à coucher ou bureau qu’elle photographie, elle capte des détails dans les intérieurs, une décoration maison, des vêtements de travail, des bibelots soigneusement choisis. Elle choisit de présenter les multiples photos prises au cours de ces rencontres dans des mosaïques, de les organiser comme des pêles-mêles signifiant, des rébus qui disent quelque chose de la manière d’habiter. À côté de ce travail de rencontre et de montage, la photographe consigne également ses impressions et enregistre ses notes qui avaient pu être diffusées de façon sonore lors de l’exposition Les Passagers du Grand Paris Express au MAC VAL en 2015.

Dans le milieu de la photographie, j’ai toujours entendu dire qu’il était difficile de travailler chez les gens. En ce qui me concerne, les portes m’ont été grandes ouvertes, même celle de la chambre à coucher. Il s’agit tout d’abord d’établir un lien avec la personne qui vous reçoit et bien analyser son intérieur pour identifier ce que l’on souhaite révéler de son intimité. Je me suis arrêté sur des détails représentatifs du quotidien, comme ce que regardaient mes hôtes à la télévision ou la décoration de la chambre des enfants. Une fois les prises de vue réalisées, il me fallait sélectionner et assembler mes tirages pour confectionner une mosaïque par famille. Portraits, objets personnels, j’ai passé un temps fou en laboratoire pour obtenir un ensemble qui corresponde à ce qui m’a touché.Françoise Huguier

Qui est Pierre-Olivier Deschamps ?

Pierre-Olivier Deschamps est l’un des premiers photographes à rejoindre l’Agence VU en 1986. Il y a, entre autres, réalisé de nombreux reportages illustrant l’art de vivre. Depuis une dizaine d’années, il s’intéresse à l’architecture et au paysage urbain sous toutes ses formes. En 2010, il a été lauréat du World Press Photo pour sa série « Résidence ». Il a suivi le chantier de transformation de la Samaritaine, au coeur de Paris et a produit, pour la Société du Grand Paris, un travail autour des paysages urbains d’Île-de-France, et notamment ceux qui composent les 68 futures gares du Grand Paris Express.

Qui est Françoise Huguier ?

Françoise Huguier / © Cyril Zannettacci

Photographe, Françoise Huguier a sillonné le monde et plus particulièrement l’Afrique.Elle a été deux fois lauréate de la Villa Médicis hors les murs pour ses livres Sur les traces de l’Afrique fantôme et En route pour Behring (prix au World Press 1993). En 1994, elle a créé la première biennale de la photographie africaine à Bamako. Elle a été, en 2011, la directrice artistique de la biennale Photoquai.En 2012, elle a reçu le prix de la Photographie de l’académie des Beaux-Arts. En 2014, une rétrospective lui a été consacrée à la Maison européenne de la photographie à Paris. En 2016, elle a présenté l’exposition « L’Élégie de la Traversée : de 1982 à 2015 » au musée d’histoire de Séoul et a publié Virtual Seoul.Françoise Huguier a été experte associée à la mise en place du projet culturel de la Société du Grand Paris.