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Des murs dans l’eau, momentané 1 avec Camille Juthier

Des murs dans l’eau, momentané 1 © Camille Juthier

Exploration autour de la question de l’autisme – rapport et perception du monde – à travers des extraits du live Instagram de Camille Juthier, autour de son œuvre inédite Des murs dans l’eau, momentané 1, présentée dans le cadre de L’Autre·expo, produite par les Ateliers Médicis. Depuis quelques années, Camille Juthier filme son frère pour établir un dialogue avec lui et entrer en contact avec sa différence. Pour L’Autre·expo, l’artiste nous ouvre les portes de cette relation et partage le terrain de son enquête : ses recherches, ses découvertes, ses questions. Qu’est-ce qu’être différent ? Qui peut dire la normalité ? 

👁️  Des murs dans l’eau, momentané 1, disponible jusqu’à mercredi : ICI

« Internet, c’est une forme de sortie vers l’extérieur »

Camille Juthier — « Des murs dans l’eau », c’est le titre d’un projet de recherche, autour de la question de l’autisme et des neuroatypies que j’ai entamé, il y a un petit moment avec mon frère. 

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C’est un projet globale, à l’intérieur duquel il y a comme des moments, d’où le momentané 1, où ça se concrétise, où il apparaît quelque chose. Là, c’est une première étape : un film dialogue avec mon frère, avec une page qui prend la forme d’un Tumblr. Avec le confinement, je travaillais tout le temps sur mon ordinateur 

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c’était un moment pour fouiller dans les archives personnelles, pour prendre le temps. […] Internet, c’est une forme de sortie vers l’extérieur.

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 C’est grâce à internet, que j’ai pu faire ce projet là et que j’ai eu accès à un certain nombre d’informations, que l’on ne trouve pas ailleurs et en particulier sur l’histoire de l’autisme, comment des gens se sont battus pour obtenir des droits pour les personnes autistes, ce sont des histoires très peu racontées.

Des murs dans l’eau, momentané 1 © Camille Juthier

« Mon frère a le statut de co-auteur dans cette histoire, c’est une relation. Tout ce qu’il va faire, va impliquer un geste de ma part, et vice versa »

CJ — L’artiste autiste et militante Mel Baggs – présentée dans la vidéo – a été une vraie rencontre. J’ai compris énormément de choses en découvrant son travail, c’était assez fort. C’est une artiste autiste qui poste tout son travail sur youtube et qui raconte son point de vue et sa manière d’être au monde au sein de ses vidéos. Elle a fait ça pendant 7 ans et malheureusement, elle est décédée pendant le confinement. J’ai aussi rencontré un autre youtubeur, français, Alistair. C’est grâce à lui que j’ai beaucoup appris sur ces questions là. Même si mon frère est TSA (Trouble du Spectre de l’Autisme), cela reste des questions très ouvertes et floues, et on a peu de connaissances à disposition. 

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Souvent Simon va travailler, il va peindre, ou on va juste être ensemble et moi je vais le filmer. Je crois qu’il aime bien ça. Une interaction naît avec la caméra, avec le fait qu’il se sente observé au coeur de l’action. Il se filme aussi tout seul, je récupère les rushs de ses vidéos et je les intègre au travail, pour que son regard ait aussi une place.  

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Mon frère a le statut de co-auteur dans cette histoire, c’est une relation. Tout ce qu’il va faire, va impliquer un geste de ma part, et vice versa. Il est artiste, par ce qu’il fait, la plupart du temps je le filme alors qu’il est en train de peindre, ou de faire une activité presque performative. En même temps, lui même, quand il filme, il fait des choix de cadrages et de situations qui lui sont propres. Dans ce projet, il écrit autant que moi. C’est moi qui fait le montage final, mais en réalité, c’est lui qui a inspiré toute l’histoire.

Des murs dans l’eau, momentané 1 © Camille Juthier

« Les personnes neuroatypiques et autistes peuvent avoir le sentiment parfois que leur être s’écoule dans l’eau et de perdre cette notion de frontières, de corps et de murs »

CJ— J’ai aussi l’idée de travailler avec une classe, de 6ème, de jeunes autistes à Aulnay-sous-Bois, qui est la seule classe en France d’autistes. De faire un projet vidéo avec eux, de leur confier des caméras et de travailler autour de ces questions de perceptions à la fois du corps et par l’outil de la caméra. Il y a aussi un projet avec Pierre Martin, dont on peut lire les textes et ceux de sa fille sur la page Tumblr. Il a une fille autiste, qui est également artiste, autodidacte. […] Il a un projet de film et mes projets vont se greffer un peu aux siens. 

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Avec le projet L’Autre·expo, le rapport au confinement et le rapport aux objets ont changé, moi ça me donne envie de me placer dans d’autres formes de narration et d’autres formes de visibilisation des choses. L’espace numérique ne remplace pas l’espace physique, mais cela permet de nouvelles choses, de nouvelles rencontres et une diffusion plus importante. Ce travail m’a plu, car il y a une facilité à produire, alors que dans la sculpture, c’est une mise en oeuvre avec d’autres contraintes. 

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Là tout est simple, tout se télécharge, part et se partage assez vite. Le titre m’inspire une conversation que j’avais eu avec une psychologue un jour et qui m’expliquait que les personnes neuroatypiques et autistes en particulier peuvent avoir le sentiment parfois, que leur être s’écoule dans l’eau et de perdre cette notion de frontières, de corps et de murs.  

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📱  Live Instagram avec Camille Juthier à retrouver en intégralité : ICI

Camille Juthier © Louise Masson

Qui est Camille Juthier ?

Née en 1990, Camille Juthier vit et travaille à Paris. Après avoir obtenu une licence en philosophie, elle suit un cursus aux Beaux-arts de Nantes Métropole, où elle obtient en 2018, son DNSEP avec les félicitations du Jury. Elle expose en collectif à la biennale de Dakar, pour le projet Musée du futur. En 2015, elle co-fondait un collectif de performers, Hashbank, qui s’intéressait aux identités numériques jusqu’en 2018. En 2019, elle est lauréate de la Cité internationale des arts de Paris où elle effectue une résidence, et du programme de résidence croisée Paris-Budapest en partenariat avec l’Institut français. Elle est exposée lors de la dixième édition de la design Parade de Toulon, par le studio Rochée, et au sein de la station 16 du Laboratoire Espace Cerveau à l’Institut d’art contemporain de Villeurbanne durant la 15e Biennale de Lyon.

Camille Juthier est en résidence de recherche et création aux Ateliers Médicis où elle explore des pistes de travail autour de l’autisme et des difficultés psychiques. 

📺  À retrouver sur ateliersmedicis.fr, son interview dessinée par l’artiste visuel et plasticien Arnaud Tételin à l’occasion du premier acte d’Ateliers Médicis 2025, une session de rencontres et d’ateliers – du 7 au 10 juillet – où artistes, penseurs et habitants, partagent leurs visions, expériences et réflexions pour inventer le futur lieu des Ateliers Médicis, qui ouvrira ses portes en 2025.

Quantum Mecanic © Josèfa Ntjam 

Qu’est-ce que L’Autre·expo ?

L’Autre·expo initié par les Ateliers Médicis est un espace en ligne d’exposition et de création, dédié à des œuvres inédites commandées à des artistes, pour être partagées sur l’ensemble de nos écrans connectés et diffusées durant quelques jours. Les Ateliers Médicis réaffirment ainsi leur mission de soutien à la création artistique et pour l’accès à celle-ci. L’Autre·expo sur ateliersmedicis.fr a été inauguré fin avril avec une première œuvre de l’artiste Josèfa Ntjam, Quantum Mecanic, suivie de It’s you (…) de Julien Creuzet et de Allocution entre deux stations de Neïl Beloufa.
Avec L’Autre·expo, les Ateliers Médicis donnent une carte blanche aux artistes pour explorer, expérimenter et dire l’ambivalence de nos relations numériques. Dans le contexte mondial de l’art et de la circulation des données et des communications, la tension ne cesse de grandir entre une augmentation de la diffusion des œuvres et une perte de valeur de ces œuvres ou l’effondrement même des moyens de production pour y parvenir.