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Hors Saison à J+1109 : Z comme Zones

Aujourd’hui, à J+1109 du premier jour de la première Saison culturelle de Bordeaux, en 2017 avec Paysages puis en 2019 avec Liberté !, on explore Z comme Zones avec #HorsSaison : l’appel du large, les bords de mer et de nouveaux rivages au travers de photos prises par Harry Gruyaert lors de sa résidence dans le Bordelais en 2019, et d’un extrait de Ville océanique, chronique d’Aurélien Bellanger publiée en 2019 lors de la Saison Liberté !

Bordeaux, France, 2019 © Harry Gruyaert / Magnum Photo

À la fin tu es las de ce monde ancien

Bergère ô Tour Eiffel le troupeau des ponts bêle ce matin

Guillaume Appollinaire – « Zone », Alcools
Bordeaux, France, 2019 © Harry Gruyaert / Magnum Photo

D’un rivage l’autre

En 2019, Harry Gruyaert était invité à présenter un ensemble de soixante tirages dans l’impressionnant décor de la Base sous-marine de Bordeaux. L’exposition Rivages rassemblait les paysages maritimes de ce pionnier de la photographie couleur. De France, d’Irlande, de Corée du Sud ou encore de sa Belgique natale, ces grandes photos (100 cm x 140 cm) proposent un jeu d’échos d’une plage à l’autre et les perspectives fortes, le jeu virtuose des rayons du soleil dans les nuages et sur la surface de l’eau n’est pas sans rappeler les marines des peintres flamands.

Si Harry Gruyaert confronte le sens de sa démarche photographique à la ligne d’horizon et son œuvre à sa culture flamande – celle des tableaux chargés de nuages bas où s’épanchent, çà et là, des écharpes de lumière –, le photographe renouvelle aussi notre perception du paysage avec ses jeux subtils d’ombre et de lumière, de transparence et de profondeur. Ce « moment poétique » sous-tend toute l’œuvre de Harry Gruyaert pour qui photographier permet de faire surgir les conditions d’un émerveillement.

Liberté ! Bordeaux 2019

Cette balade contemplative sur les rives du monde s’est doublée d’une commande photographique, initiée pour la saison culturelle, portant sur la réalisation inédite de 20 tirages produits par Harry Gruyaert lors d’une résidence dans le Bordelais et exposés à arrêt sur l’image galerie : le photographe y explore le lien intime qu’entretient la capitale girondine avec le littoral, mettant en lumière d’autres rivages, aux confins de la métropole bordelaise et vers les nouveaux quartiers de Bordeaux.

Ostend, Belgique, 1988 © Harry Gruyaert / Magnum Photo

Une ville océanique

L’hypothèse générale sera qu’il y a eu une civilisation humaine – c’est le mot « humaine » qui importe, plus que le mot « civilisation. » Ils avaient des bras longs comme des tentacules et des têtes qui flottaient au-dessus de leur corps. Ils étaient morcelés, ils n’avaient pas notre grâce unitaire. Notre conscience unique, à nous qui vivons indissolubles dans l’océan certain. Nous sommes, après eux la seconde espèce vivante à s’être déployée sur ce globe. Nous avons hérité de leur ruine, nous sommes nés sans doute par recombinaisons successives, des points chauds qu’ils ont laissés derrière eux — les sources maudites à la lumière bleutée. Les serpentins mortels qui nous ont servi d’incubateurs. Il en reste d’ailleurs un près d’ici, de l’autre côté de la vallée engloutie : nous y retournerons peut-être, quand il nous faudra à nouveau franchir la barrière de la spéciation, si les eaux disparaissent. Les eaux ont été, d’après la théorie dominante, leur grande malédiction. Ils se comparaient eux-mêmes à des singes, des singes assoiffés. Des singes qu’on aurait laissé jouer avec toute la robinetterie du monde, des singes qui auraient desserré toutes les vis et tous les joints du ciel avec leurs mains savantes.

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C’est comme cela d’ailleurs, que tout aurait commencé : les humains se seraient mis à chasser ce mammifère marin pour éclairer leurs nuits en faisant brûler sa graisse ; ils auraient pris goût à ce soleil poisseux et auraient enfoncé des aiguilles à travers la Terre pour en sucer les graisses. La catastrophe ultérieure est sujet à d’innombrables interprétations. On parle d’un accident ou d’un suicide. D’autre parlent d’une cérémonie sacrificielle patiemment concertée. Il est vrai que jamais le globe n’aura été aussi beau qu’à cette époque maudite. Leurs villes, immenses, tendaient à converger, à former une seule enveloppe autour de la Terre.

🖊  Extraits de Ville océanique, un texte d’Aurélien Bellanger écrit dans le cadre de ses chroniques hebdomadaires, parues dans Sud Ouest en 2019.

Site de Bordeaux Saison Culturelle : www.bordeauxsaisonculturelle.fr

Qu’est-ce que Bordeaux Saison Culturelle ?

Pensées et construites comme un outil de développement et d’innovation culturelle au service du territoire, les saisons culturelles de Bordeaux s’imposent, depuis la première édition de Paysages 2017, puis à l’appel de Liberté ! 2019, comme un temps fort culturel créatif, véritable projet collectif, fondé sur des créations d’artistes en résidence, le lien avec l’ensemble des acteurs locaux, opérateurs culturels, petites et grandes institutions et la redécouverte de lieux et de territoires inexplorés. Le label Bordeaux saisons culturelles constitue ainsi un véritable laboratoire de création fondé sur un renouveau de la politique culturelle bordelaise, articulé autour d’un récit de territoire, destiné à tous les publics.
Paysages Bordeaux 2017 explorait le tracé de la ligne à grande vitesse, à travers les itinérances esthétiques ferroviaires, dessinant une verticale du territoire du nord au sud. C’est sur la ligne horizontale plein ouest voguant librement entre l’estuaire et l’océan que Liberté ! Bordeaux 2019, se déployait. Bienvenue Bordeaux 2021 esquissera une saison culturelle, en forme d’invitation au voyage à l’est, au creux des vignes et de la terre, en immersion dans cet « art de vivre bordelais » ouvert au monde incarné par le sous-titre « une saison culturelle pour regarder ailleurs ».