Sont explorés ici : l’identité et l’intersectionnalité à travers un poème de Jasmine Sebbani, illustré par Flora Beillouin, publié dans le cadre de la saison « Nouvelles cartographies – Lettres du Tout-Monde » du Labo 148 porté par la Condition Publique et de la thématique : Se raconter – Se représenter.
« Je suis à l’intersection mais le monde n’a pas de place pour la complexité »
(Je suis à l’intersection.)
Ne suis-je pas une femme ?
Ne suis-je pas noire ?
Ne suis-je pas maghrébine ?
Ne suis-je pas queer ?
(Ne suis-je pas dominée ?)
Je suis à l’intersection mais le monde n’a pas de place pour la complexité.
Longtemps, j’ai senti que je devais privilégier un aspect de moi. Une part de moi, à la fois. Les espaces de liberté sont restreints et encadrés.
Le racisme existe dans le féminisme.
Comment puis-je me libérer ?
Trop noire pour être arabe.
Trop arabe pour être noire.
Qu’en est-il de mon africanité ?
Trop gay pour les hétéros.
Trop hétéro pour les gays.
Qu’en est-il de la bisexualité ?
Le féminisme ne considère pas le racisme. L’antiracisme ne considère pas les questions de genre et d’orientation sexuelle.
Chacun relègue l’autre dans le gouffre des questions « secondaires / accessoires / marginales. »
« Freedom is a constant struggle »
Chaque espace que j’investis me renvoie à ma propre diversité.
Suis-je condamnée à voyager d’identités en identités ?
Suis-je condamnée à sans cesse nier, mettre de coté un aspect de ma complexité ?
N’existe t-il aucun espace à occuper ? A revendiquer ?
« Freedom is a constant struggle. »
J’imagine que la réponse serait de le créer, de m’y affirmer et de le revendiquer.
Mais veuillez m’excuser, je n’en ai plus la force.
Je suis épuisée,
(de me chercher, sans me trouver.)
Les individus ne sont pas unidimensionnels.
Il existe des intersections.
Des carrefours auxquels ils sont confrontés.
Mais ils ne devraient pas choisir un chemin au profit d’un autre.
L’intersection ne doit pas être une impasse.
Aucune identité ne devrait primer sur les autres.
Je souhaite que chacun puisse embrasser sa complexité.
Je ne veux pas devoir m’identifier dans la négation d’une partie de moi.
✒️ Poème par Jasmine Sebbani, dans le cadre de la Saison #6 du projet « Nouvelles cartographies – Lettres du Tout-Monde » du Labo 148 porté par la Condition Publique.
Qui est Flora Beillouin ?
Journaliste de formation, Flora a fait ses armes au service société de L’Humanité sur les problématiques liées au genre, à la précarité, au logement, à la santé et aux quartiers populaires. Elle poursuit sa route en freelance (Article 11, L’Impossible, Bouts du monde…) depuis L’Argentine et le Mexique, où elle s’intéresse aux processus d’organisation collective nés de la crise économique de 2001, aux problématiques écologiques et migratoires. De retour en France, elle fonde l’atelier d’édition participatif La Marge à Angers, inspiré des « cartoneras », maisons d’édition artisanales et populaires découvertes lors de son séjour argentin. Installée à Lille depuis deux ans, elle mène de front plusieurs activités : journalisme, édition, illustration, animation d’ateliers, et coordonne, depuis septembre 2017, LABO 148 en tant que chargée de projet de l‘ESJ Lille.
Qui est Labo 148 ?
Jasmine Sebbani fait partie des jeunes intégrés au projet Labo 148. Média participatif, destiné aux jeunes, Labo 148 est une agence de contenus originaux, un laboratoire d’expérimentation à la lisière entre pratiques artistiques et journalistiques, porté par la Condition Publique avec le soutien de l’Etat (CGET, FIPDR, DRAC), du PIA Jeunesses de la Métropole européenne de Lille, de la Ville de Roubaix, de France 3 Hauts-de-France, de « Les Hauts Parleurs », de Sennheiser et de la Fondation Anber et en partenariat avec l’ESJ Lille et le collectif OEIL.
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Qu’est-ce que « Nouvelles cartographies – Lettres du Tout-Monde » ?
« Nouvelles cartographies – Lettres du Tout-Monde » est un projet de création expérimental et ouvert à tou.te.s, que les artistes et journalistes associés au Labo 148, engagent dans la crise sanitaire internationale actuelle. Quelle sera la cartographie du monde après cette crise ? Que redéfinit-elle ? Quelles urgences « à rêver un autre rêve, à inventer d’autres espoirs » s’imposent ? Le « Tout-Monde » selon Edouard Glissant, est cette inextricabilité de nos devenirs, et en cela, il invite à une poétique active de la mondialité, de rencontres des imaginaires, qui soit le versant créateur d’une mondialisation qui détruit, oppresse, nivelle par le bas. Depuis Roubaix et Accra, et les différents lieux de « confinement », Labo 148 propose cet espace pour que se mêlent et circulent toutes les voix, les plumes et armes de création massives possibles. Le Labo 148 a lancé un large appel à création pour recevoir les libres contributions jusqu’au 1er juin. Elles ont pu nourrir ces différentes correspondances thématiques : Traverser – Circuler, Rêver – Imaginer, Se révolter – Combattre, (Se) Raconter – (Se) Représenter, (Se) Confiner – Relier, partager.
💻 Saison #6 Nouvelles cartographies – Lettres du Tout-Monde, à découvrir : ICI
👥 Kwasi Ohene-Ayeh, Ute Sperrfechter, Julien Pitinome, Flora Beillouin, Anne Bocandé, Sophie Bourlet, Sarah Fawaz