Ici sont explorés, A comme Ambassade & M comme Merci avec #HorsSaison, réalisé par jigsaw avec la saison culturelle de Bordeaux — à J+1226 du premier jour de la première saison, en 2017 avec Paysages puis en 2019 avec Liberté ! : le besoin de trouver refuge, la vie dans les arbres pour repenser son humanité avec les vues de l’installation Merci de Gonzalo Borondo en 2019 au Temple des Chartons réalisée en partenariat avec l’Office National des Forêts, mais également le besoin de construire des cabanes et la fondation d’une République à soi, à travers le carnet de bord de Nicolas Détrie, fondateur de Yes We Camp, qui, avant de donner vie à l’Ambassade et aux Républiques Nomades de la saison Liberté !, a pris le temps de la méditation et de la réflexion dans la forêt des Landes, attentifs aux principes fondamentaux qui émergeraient de cette expérience.
Qui dit République, surtout si elle est nomade, dit Ambassade. Sous la glycine, la mémoire de Bordeaux.
La République du chêne : états d’être à cinq mètres du sol
Jeudi 11 avril 2019 – 19h30
Perché, laisser mes pensées.Si République signifie d’abord un ensemble de règles de fonctionnement d’un groupe d’êtres humains, alors on peut imaginer qu’à l’arrivée des hommes sur terre, toutes les républiques sont nomades. Les tribus se déplacent, pour chasser et cueillir, au gré des saisons, et elles emportent avec elles leurs mécanismes sociaux.
C’est seulement plus tard que nous avons fait les pays, avec leurs frontières.
Me voilà dans un chêne. Le vent dans les branches fait légèrement tanguer les troncs, mon plancher grince. Comme un bateau.
Vendredi 12 avril 2019
Ainsi le premier geste du premier homme, c’est de choisir le morceau de nature qu’il va occuper. Elle était là bien avant, cette vie végétale. Même ici, ce chêne est plus vieux que moi. Je lui dois du respect.
L’homme choisit un endroit de nature, et s’y installe pour un temps.
J’ai l’impression que si je suis seul, il n’y a pas besoin de République. Je vis comme je peux. Mais toute la journée, en construisant, je sais ce dont j’ai eu peur. Ni de la hauteur, ni du chantier, ni de la pluie (qui n’est pas venue), ni des animaux. J’ai eu la crainte qu’on vienne me dire que je n’ai pas le droit. Quand j’entendais du bruit, j’arrêtais mon ouvrage, et je guettais de mon perchoir voir si quelqu’un arrivait. Quelqu’un qui me demanderait ce que je fais là, et qui me dirait que c’est un terrain privé et que je n’ai rien à faire ici. Alors là, dans ce cas d’atteinte à ma possibilité d’être tel que je l’avais envisagé, alors là j’aurais besoin de ma république. Car dans ma république, j’ai le droit d’être là. Ainsi avant même la nécessité d’un code de fonctionnement le jour où j’aurais des semblables qui auraient aussi leur cabane ou qui vivraient dans la mienne (qu’il faudrait alors agrandir), avant même cette nécessité de choisir un modèle social, le rôle premier d’une république sera d’offrir une légitimité à être là, opposable à des tiers. Une démarche que je n’avais jugée nécessaire dans ma relation accueillant / accueilli avec le grand chêne. On ne contractualise pas la nature – c’est dommage, c’est seulement entre êtres de la même espèce que nous avons pris la peine de fixer des règles.
En marchant je me dis que la propriété et la possession ont comme effet de nous détourner de nos capacités d’humanité. Comme si on devait devenir agressif à trop posséder. On s’épuise à prendre soin, à fabriquer son règne localisé. Pendant ce temps, les nomades passent alentour, ils contournent, la rencontre n’a pas lieu.
Dimanche 14 avril 2019 – 15h
Courrier manuscrit laissé dans la boîte aux lettres du voisin :« Monsieur,Je suis celui qui a installé une cabane dans un grand chêne proche de chez vous. Vous étiez, je crois, inquiet, ou en tous cas curieux, en raison de la voiture stationnée en bordure de route. Vous avez cherché dans le bois s’il y avait quelqu’un, et nous avons échangé quelques mots. (Si ce n’est pas vous, alors il s’agit probablement de votre voisin). Comme annoncé, j’ai passé trois nuits trois jours dans l’arbre.
J’ai laissé la plateforme en bois (installée sans ne mettre aucune vis dans les troncs). Je serais très heureux que d’autres en aient l’usage : vous, peut-être vos enfants, ou amis, voisins, visiteurs…
Pour grimper, c’est assez facile. Il faut suivre le tronc, et il y a une petite trappe pour “ouvrir” la plateforme. Il suffit de la pousser.
Merci d’avoir accepté cette présence.
Salutations respectueuses.
Nicolas »
L’Ambassade : un lieu pour tous les publics
Pour la saison culturelle Liberté !, Yes We Camp a proposé une réouverture temporaire des anciennes Archives Municipales de Bordeaux. Lieu iconique du patrimoine bordelais revisité par un geste contemporain, l’Hôtel de Raguenau est devenue le temps d’un été une Ambassade accueillante aux rencontres et aux pratiques artistiques. Fidèle à sa pratique de déploiement culturel dans des espaces partagés, Yes We Camp a produit une série de plusieurs « mises en situation », qui viennent interpeller l’apostrophe Liberté ! Ces Républiques Nomades se déploient selon des règles choisies et dans un cadre de frontières définies, offrant une liberté circonstanciée à leurs citoyens temporaires.
Les aménagements nécessaires ont été réalisés de manière participative, avec la mobilisation de plusieurs associations et collectifs constructeurs du territoire. Ainsi l’Ambassade ouvre ses portes aux riverains, aux acteurs locaux, aux artistes et à toutes les parties prenantes de la saison. L’Ambassade a vécu au rythme d’une programmation ouverte qui s’est construit chaque jour avec les forces vives locales, cœur battant en plein centre-ville, et animé notamment par les photographies incandescentes de Yan Morvan, L’entresort de François Beaune, expérience littéraire et participative inéditu, ne restauration solidaire avec l’association enerste ou encore une succession de cartes blanches musicales au label Délicieuse Musique.
Gonzalo Borondo et Yes We Camp : Liberté ! 2019
Gonzalo Borondo [biographie]
Né en 1989 en Espagne, Gonzalo Borondo allie de manière exceptionnelle les techniques du graffiti et de la peinture classique. Après une formation académique aux Beaux-Arts, il passe une année à Rome. À son retour à Madrid, il cherche à casser les codes traditionnels de l’art urbain, s’éloigne aussi de la culture pop et propose une nouvelle vision du genre. Le Madrilène qui maîtrise à la perfection les techniques de peinture à l’aérosol et au rouleau gratte aussi les vitrines délaissées des commerces qui se vident petit à petit et scrute ce qui se passe à l’intérieur. Côté rue, sa large palette lui permet de donner forme à des visions puissantes, semblant surgir d’un passé immémorial. Côté galeries, à la routine commerciale il préfère imaginer des formes alternatives. Ce qu’il a fait en 2015 à Londres avec l’exposition « Animal », puis à Marseille en 2018 dans le cadre singulier et poétique du marché aux puces avec « Matière noire ».
Yes we camp [présentation]
Depuis 2012, le collectif Yes We camp propose la création d’espaces éphémères et d’événements qui favorisent le vivre ensemble, en partenariat avec des collectivités, des entreprises et des associations. Aujourd’hui reconnu nationalement et internationalement pour son expertise dans la construction des projets associés aux habitants et localités, Yes We Camp a été invité à la biennale d’architecture de Venise, au titre des « lieux infinis ».
Qu’est-ce que Bordeaux Saison Culturelle ?
Pensées et construites comme un outil de développement et d’innovation culturelle au service du territoire, les saisons culturelles de Bordeaux s’imposent, depuis la première édition de Paysages 2017, puis à l’appel de Liberté ! 2019, comme un temps fort culturel créatif, véritable projet collectif, fondé sur des créations d’artistes en résidence, le lien avec l’ensemble des acteurs locaux, opérateurs culturels, petites et grandes institutions et la redécouverte de lieux et de territoires inexplorés. Le label Bordeaux Saison Culturelle constitue ainsi un véritable laboratoire de création fondé sur un renouveau de la politique culturelle bordelaise, articulé autour d’un récit de territoire, destiné à tous les publics.
Paysages Bordeaux 2017 explorait le tracé de la ligne à grande vitesse, à travers les itinérances esthétiques ferroviaires, dessinant une verticale du territoire du nord au sud. C’est sur la ligne horizontale plein ouest voguant librement entre l’estuaire et l’océan que Liberté ! Bordeaux 2019, se déployait. La prochaine saison culturelle 2021 sera une invitation au voyage à l’est, au creux des vignes et de la terre, en immersion dans cet « art de vivre bordelais » ouvert au monde incarné par le sous-titre « une saison culturelle pour regarder ailleurs ».